Je pénétrai dans la salle, la pizza à la main et allai directement la poser sur la table du fond.

 

Nous étions six à cette soirée : six amies toutes liées, les unes aux autres par le pacte de la vérité. Cet arrangement consistait à toujours tout dire aux autres filles, sans mensonge, sans honte. Quand l’une d’entre nous parlait, nous faisions le silence, nous écoutions avec attention, jusqu’à la fin, son discours. Jamais nous ne nous moquions de l’une d’entre nous, il était interdit de rire d’une fille ayant signé ce pacte (et Dieu sait combien nous tenions nos promesses) Ce serment était aussi le devoir du silence : celle d’entre nous qui parlait à une personne extérieur de nos histoires où de notre pacte était sévèrement punie, en étant bannie de ce cercle d’amies d’enfance.

 

La soirée avait débuté à 20 heures et battait son plein : Gaëlle dansait avec Alvina, Emilie et Elsa. Maëve mangeait une part de pizza à mes côtés. Comme à son habitude, elle ne parlait pas.

 

Tout allait pour le mieux, quand la lumière s’éteignit d’un seul coup. Un cri se fit entendre dans la salle. La musique était si forte que l’on fut dans l’incapacité de dire qui avait crié. Je me précipitais pour rallumer la lumière, retournais dans la pièce et découvrais le corps de Maëve allongé par terre ; ses cheveux blonds étaient tachés de sang, et de son cou coulait à flot un liquide de la même couleur. Les regards étaient paniqués, je pris un mouchoir sur la table et le déposait délicatement sur la tête de mon amie, qui ne bougerait sûrement plus pour le retirer de son visage si joli auparavant.

 

Nous nous installâmes à la table, blêmes, pour en parler, quand Alvina si calme d’habitude, fit une crise de nerfs. J’allais lui chercher un calmant, quand la lumière s’éteignit une fois de plus, et qu’un nouveau cri retenti dans le noir. Je demandais à quelqu’un de rallumer en hurlant à moitié (ce qu’Emilie fit en toute hâte) et découvris, avec les autres filles, le corps d’Alvina, transpercé au cœur. De cette blessure s’échappait du sang, encore plus abondamment que celui qui déferlait toujours du cou de Maëve (notre amie si chère). Cela faisait déjà deux filles « disparues » ; nous ne disions plus rien et attendions que l’une d’entre nous se décide à bouger. Ce fut Elsa qui attrapa une serviette sur la table et la posa sur le visage de notre amie défunte pour cacher ce regard froid et vide. Nous décidâmes alors de nous asseoir pour discuter.

 

Nous nous regardions en silence, chacune essayant de savoir laquelle d’entre nous était coupable d’un tel acte, car ça ne pouvait être que l’une des filles présentes dans cette pièce, étant donné que mes parents m’avaient laissé la maison pour la soirée. Il n’y avait donc que six filles présentes ce soir –là, six filles censées d’adorer et se respecter : laquelle de nous quatre pouvait en vouloir au groupe ?

 

Elsa se leva subitement, trop peut être car elle tomba à terre. Nous la regardâmes sans comprendre ce qui lui arrivait, quand nous la vîmes se prendre la cheville gauche avec la main droite et commencer à la masser doucement. Un instant, j’ai cru qu’elle s’était évanouie ou avait eu une crise de ‘je ne sais quoi’… elle me demanda une pommade pour les coups ; ce à quoi je répondis que je n’en avais pas, mais qu’il y avait des glaçons dans le réfrigérateur de la salle d’à côté. Emilie, toujours aussi serviable et amicale, se leva pour aller en chercher. Mais elle n’avait pas fait deux mètres, que la lumière s’éteignait de nouveau. Nous nous entendîmes alors un cri étouffé. Ce bruit de l’endroit où était Elsa auparavant ; j’en déduisis que ce cri-là venait d’elle !

 

J’appuyais sur l’interrupteur et quand la lumière éclaira la pièce, nous vîmes Elsa qui reposait paisiblement, comme endormie, sur le sol, la gorge transpercée de deux grandes entailles. Gaëlle prit un mouchoir et lui couvrit le visage en lui fermant les yeux, afin d’éviter de voir le beau visage d’Elsa sans vie maintenant…

 

Nous n’étions plus que trois ! Emilie, soudain possédée par le Diable, alla se réfugier dans un coin de la pièce à côté d’une chaise, à l’écart de ces corps inertes. Elle s’y recroquevilla sur elle-même. Je me levai pour aller la rassurer, quand la lumière fut coupée pour la quatrième fois. Un bruit de chaise se fit entendre, tout de suite après, le bruit sourd d’un corps qui tombe à même le sol. L’allogène se ralluma et je vis Emilie, toujours recroquevillée sur elle-même, mais à la différence qu’elle avait une entaille dans le cou, d’où coulait un liquide rougeâtre foncé. Je sortis un mouchoir de ma poche et le posai délicatement, mais avec dégoût sur son visage.

 

Je me retournais vers Gaëlle. Il n’y avait plus que nous deux ! Si ce n’était ni l’une, ni l’autre qui avait commis ces quatre meurtres, qui cela pouvait-il être d’autre ? Et…

 

J’appuyais sur l’interrupteur… Je rallumai la lumière un petit peu plus tard, me levai, traversais la salle, où reposaient maintenant cinq corps, et pris soin d’éteindre la lumière avant d’aller me coucher.

 

 

 

Noémy Cler

 

 

 

Émilie avait beau marcher rapidement, elle sentait son regard dans son dos. Elle se mit alors à courir : rien à faire ! Elle entendait maintenant les talons de chaussures de cet homme qui la suivait… Émilie continua de courir, de tourner à gauche, à droite… et se retrouva face à un grand portail noir. Elle commençait à l’escalader quand elle sentit une main se refermer sur sa cheville et la tirer vers le bas ! La jeune fille essaye de résister, mais l’homme était bien plus fort qu’elle, et finit par la faire tomber lourdement au sol. Là : trou noir !

 

Émilie se réveilla quelques heures plus tard, avec un horrible mal de crâne. Elle était allongée sur un lit miteux qui menaçait de tomber à tout moment, les mains et les bras attachés aux pans du lit. Elle regarda ce qui l’entourait et fut effrayée de savoir que de telles chambres n’étaient pas démolies : le papier peint, enfin le peu qu’il en restait, était arraché un peu partout et laissait apparaître du ciment qui s’effritait. Il y avait, en tout et pour tout, trois meubles dans cette pièce aux fenêtres condamnées grossièrement par des parpaings et des planches de bois clouées. On trouvait donc à côté de la porte une chaise, qui n’avait d’ailleurs plus de fond et un pied en moins ; un vieux buffet tout abîmé et sur lequel se trouvaient trois gros rats morts où mourant, vu qu’ils ne bougeaient pas d’un iota. Et enfin, cet horrible lit sur lequel Émilie avait été attachée. Le dos de la jeune femme était meurtri par les ressorts qui ne résidaient plus dans le matelas. Pour ajouter à ce tableau idyllique, il y avait une odeur pestilentielle de moisi, de renfermer. C’est à peine si on pouvait respirer sans s’étouffer.

 

La jeune fille continuait de regarder avec dégoût cette pièce, quand la porte s’ouvrit tout doucement. Un homme de grande taille, avec une carrure plus qu’impressionnante entra dans la salle : un vrai colosse fait de muscle entièrement ! Il était vêtu d’un ensemble noir qui devait dater des années 60 au vu de la coupe. Il avait à la main gauche un revolver. Son visage était défiguré par une longue cicatrice, qui partait de son œil gauche pour s’achever dans son cou. Ce même visage était déformé par une grimace qui se voulait sûrement être un sourire. Il était tellement hideux et effrayant à regarder qu’Émilie préféra baisser les yeux. Il s’approcha de la jeune femme avec délicatesse, comme s’il craignait de la réveiller et, après avoir vu qu’elle l’était, il se posta à côté du lit et attendit, silencieux. Émilie ouvrit la bouche pour poser une question, mais le monstre de muscle lui fit comprendre qu’il ne voulait pas l’entendre, sous peine d’atroces souffrances.

 

-     Que lui voulait-on à la fin ? Pourquoi ne la détachait-il pas ? Craignait-il qu’elle s’enfuit ? (chose qu’elle n’essaierait même pas au vu de la bête assise à côté d’elle) Qu’allait-on lui faire ? Et qui étaient les personnes qui l’avaient kidnappée ?

 

 

 

Émilie se posait tout un tas de question et commençait à s’agiter nerveusement, quand un deuxième homme, tout aussi grand et musclé que le premier entra dans la pièce, en ouvrant la porte avec fracas.  Il fit un signe à l’autre homme qui sortir aussitôt, la tête baissée, rasant les murs comme s’il le craignait. La jeune femme se demanda s’il s’agissait de la relève ou de son bourreau qui venait d’entrer dans cette pièce.

 

L’homme vint s’asseoir à côté d’elle et la regarda droit dans les yeux. Ils se dévisagèrent pendant quelques minutes. Émilie remarqua qu’il avait les cheveux clairs, mais elle était dans l’incapacité de dire s’ils étaient blancs ou blonds, tant la luminosité était peu présente dans cette chambre. Ses yeux étaient clairs aussi et son visage n’était ni déformé par une grimace ou une cicatrice, ni désagréable à l’œil… voir même très agréable à regarder. La jeune femme se sentait un peu dans le brouillard, comme hypnotisée. L’homme toucha les longs cheveux bruns d’Emilie, effleura son visage avec une douceur qu’on ne lui aurait pas donné au vu de sa carrure et posa sa main sur ses genoux. Il lui murmura une phrase qu’elle ne comprit pas vraiment, mais il lui sembla entendre quelque chose comme « N’aies pas peur »

 

Avant qu’elle ne puisse dire ou faire quoi que ça soit, il se leva et se plaça au bout du lit. Là, Émilie assista à une métamorphose qui se déroula sous ses yeux ébahis : les cheveux si clairs auparavant poussèrent à une vitesse incroyable et devinrent plus noir que l’ébène. Son visage, déjà ovale, s’allongea encore plus et des sortes de dents sortirent de ses joues : elles étaient si longues et pointues… carrément meurtrières ! La veste bleue marine se déchira sous la puissance des muscles qui grossissaient au fur et à mesure que les secondes passaient. Une odeur de fauve mélangée à une odeur de sang, de moisi et de chair en décomposition se diffusa dans la chambre. Cela donnait la nausée à Émilie, qui était devenue muette et immobile de stupéfaction. Elle n’arrivait pas à détourner son regard de cette… ‘Chose’ qui n’était plus un homme, mais un monstre horrible à longues dents. Ce colosse avait en plus l’air doté d’une force incroyable et inimaginable…

 

Il s’approcha de la jeune fille avec élégance qu’elle ne lui aurait pas crue capable d’avoir. Quand il fut tout prêt de son visage, il inspira un grand coup comme pour sentir l’odeur de sa prisonnière. Il lui lécha le cou, comme s’il voulait la goûter ! Émilie tressaillit de peur : mon Dieu ! Il venait de lui baver dans le cou et l’avait léchée ! Ce contact réussit à sortir sa voix de la torpeur dans laquelle elle était plongée et elle poussa un long hurlement. Mais cela ne perturba pas son agresseur qui lui caressa les cuisses et lui pencha la tête sur le côté, avant de poser doucement ses dents sur ce jeune cou qui l’attirait tant. Il les fit pénétrer dans la chair de la jeune femme qui redoubla de hurlements.

 

 

 

Émilie fut réveillée en sursaut par son ami qui la secouait. Ses yeux, d’un bleu transparent, montraient une grande inquiétude. Elle fut tellement soulagée qu’elle lui sauta dans les bras. La jeune femme se leva, prit une douche rapidement comme pour se laver de ce mauvais rêve. En revenant dans la chambre, elle était toujours hantée par son rêve. Aussi, elle décida d’aller prendre l’air pour s’aérer un peu et oublier l’expérience désagréable qu’elle venait de vivre.

 

Elle sortit dans la rue, prit la première rue à gauche et marchait doucement quand elle sentit un regard posé sur elle…

 

 

 

Noémy Cler - Texte proposé par Astrid BUISSONNEAUD